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cinéma et théâtre

Le film Roqia en compétition à la Semaine internationale de la critique du Festival de Venise 2025

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Ali Namous dans le rôle de Ahmed (Roqia)

Ali Namous dans le film Roqia

Le cinéma algérien revient sur le devant de la scène internationale avec « Roqia », un long métrage signé Yanis Koussim, sélectionné en compétition officielle à la Semaine Internationale de la Critique (SIC) dans le cadre de la 82ᵉ Mostra de Venise. Cette section parallèle prestigieuse, qui célèbre cette année ses 40 ans d’existence, accueillera du 27 août au 6 septembre 2025 cette œuvre singulière, diffusée en avant-première mondiale.

Une fable d’horreur mystique portée par Ali Namous sur fond de mémoire traumatique

« Roqia », scénarisé par le réalisateur lui-même, s’aventure dans les ténèbres de l’exorcisme, explorant un sujet rarement traité dans le cinéma maghrébin avec autant d’audace. Le film se déroule en 1993, dans un village algérien rural, où Ahmed, interprété avec brio par Ali Namous, victime d’un grave accident de voiture, revient amnésique auprès d’une famille qu’il ne reconnaît pas. Ni sa femme, ni ses enfants ne lui sont familiers, et son cadet semble terrorisé par lui. Chaque nuit, des voix mystérieuses résonnent, récitant des litanies dans une langue inconnue. Des présences invisibles, un index droit manquant, un voisin troublant… l’étrangeté s’installe.

Ali Namous, acteur discret mais habité, incarne avec intensité un personnage tiraillé entre oubli et réminiscence, entre terreur intérieure et confusion existentielle. Son jeu, tout en retenue et en tension, accompagne la montée progressive de l’angoisse, dans un univers où la frontière entre réalité, délire et possession devient poreuse.

En miroir, un vieil exorciste musulman atteint d’Alzheimer est soigné par son disciple inquiet. Lui aussi a perdu son index droit. Le doute plane : une entité maléfique, enfermée depuis trente ans, serait-elle sur le point de se libérer ?

Un film comme rituel de catharsis

Le choix de « Roqia » par la Semaine de la Critique n’est pas anodin. Beatrice Fiorentino, directrice artistique de la SIC, a salué le film en ces termes :

« Deux présences en miroir font face à un mal ancestral qui ne cesse de ressurgir, tandis que l’islam reste tiraillé entre dévotion rituelle et radicalisation fondamentaliste. Tel un exorcisme, le film explore le traumatisme, la mémoire et la peur, réfléchissant sur l’identité fragmentée du monde arabe. Un rituel de catharsis collective dévoile la fracture qui sépare la foi de la violence, la spiritualité de la terreur. »

Au-delà du simple récit d’horreur, « Roqia » se révèle une réflexion dense et nuancée sur l’identité, les mémoires enfouies et les dérives idéologiques. Koussim utilise le genre du fantastique pour souligner les tensions intimes et collectives d’un monde arabe pris dans ses propres paradoxes.

Yanis Koussim présente son nouveau film Roqya

Une proposition esthétique radicale

Avec « Roqia », Yanis Koussim explore le genre de l’horreur comme espace d’expérimentation et de réflexion. Le film est aussi une œuvre sensorielle, où la photographie de Jean-Marie Delorme, le montage précis de Sarah Zaanoun et Maxime Pozzi-Garcia, et le travail sonore immersif de Régis Boussin, Cyprien Vidal et Antoine Pradalet, créent une tension continue. La direction artistique, les costumes signés Jean-Marc Miretè, et les décors plongent le spectateur dans une Algérie villageoise à la fois familière et spectralement étrangère.

Aux côtés d’Ali Namous, on retrouve Mostefa Djadjam, Akram Djeghim, Hanaa Mansour et Lydia Hanni, dans une distribution qui oscille entre réalisme dur et théâtre d’ombres.

Une reconnaissance pour le cinéma algérien

La sélection de « Roqia » à Venise, parmi sept longs métrages en compétition, marque une étape cruciale dans le parcours de Yanis Koussim, figure discrète mais déterminée du cinéma algérien indépendant. Ce n’est pas la première fois qu’un film algérien se fraie un chemin sur le Lido, mais c’est l’un des rares à intégrer une section aussi exigeante, aux côtés de jeunes auteurs prometteurs de tous horizons.

Pour Ali Namous, cette participation représente également une consécration professionnelle, lui qui incarne avec intensité un rôle particulièrement complexe. Son interprétation promet de marquer les spectateurs et critiques présents à Venise.

Une œuvre cathartique et engagée

« Roqia » interroge sans didactisme le rapport à la foi, à la violence, aux non-dits collectifs et aux héritages occultés. Il fait émerger les peurs enfouies, convoque les fantômes de la guerre, les dérives religieuses, les mémoires interdites. Un film qui se vit autant qu’il se pense.

La puissance métaphorique du récit et l’intensité du jeu d’Ali Namous transforment cette œuvre en rituel de cinéma, un exorcisme collectif d’une mémoire douloureuse.

La Semaine de la Critique, qui fête également les 10 ans de sa section SIC@SIC consacrée aux courts métrages italiens, s’impose aujourd’hui comme un véritable laboratoire d’avant-garde cinématographique. En y inscrivant « Roqia », elle reconnaît la singularité d’une œuvre hybride, entre réalisme cru et onirisme sombre.

Porté par une esthétique forte, une narration fragmentée et une thématique profondément actuelle — la lutte entre foi, mémoire, peur et folie —, le film de Yanis Koussim bouscule les codes, dérange et interroge.

Rendez-vous fin août sur le Lido de Venise pour découvrir « Roqia », un film qui promet de hanter les esprits bien après le générique de fin.

Note : Le Festival du Film de Venise 2025 se tiendra donc du 27 août au 6 septembre. La Semaine Internationale de la Critique (SIC), section parallèle indépendante, célèbre cette année ses 40 ans d’existence et continue de révéler les voix les plus audacieuses du cinéma mondial.

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